Elle marche, sur ce trottoir qu'elle connait par cœur.
Elle n'a pas l'enthousiasme de celle qui va rejoindre ses copines pour un verre.
Elle n'a pas l'excitation de celle qui va faire battre son cœur à la chamade.
Non, elle marche.
Elle a la résignation de celle qui affronte un rendez-vous pas vraiment choisi.
Elle ne rase pas les murs. Elle ne chaloupe pas non plus.
Non, elle marche.
Elle ne porte pas de vieux jeans usés ni de pull déformé par la vie.
Elle a pris le temps de se présenter. Elle ne va pas s'excuser d'être qui elle est.
Elle marche.
Non, elle avance.
Ce rendez-vous n'a rien de son rêve de retraite paisible et choyée.
Piétinée, sa jolie vie.
Elle avance, seule.
Ses soutiens suivent son pas, l'entourent, forment sa garde.
Ils seraient des milliers derrière elle, elle serait encore seule.
Elle avance en tête, déterminée.
Elle est prête à se voir sur les écrans géants, sur les journaux, sur la toile.
Elle est prête à entendre les explications, les prétextes, les souvenirs, la mauvaise foi, les excuses. Les détails sordides.
La vérité, peut-être.
Elle est prête à laisser le monde entier entendre et voir cette intimité volée.
Ils la lui ont volé, ce n'est plus à elle.
Elle avance vers eux.
Ils l'ont vue nue et endormie, qu'ils la voient debout, digne et forte.
Ils l'ont regardée les paupières closes, qu'ils la regardent dans les yeux.
Elle ne se terrera pas chez elle, elle avance.
L'horreur ne sera pas tue entre quatre murs.
La société ne pourra plus dire qu'elle ne se rendait pas compte.
La banalité silencieuse deviendra une banalité insupportable.
Elle ne cachera rien, elle avance.
Elle avance, pour que le monde avance.