phobie administrative
Vous avez sans doute reçu votre appel à la déclaration d'impôt, et comme demain c'est la fête du travail, je vous ai choisi une histoire... surprenante !
Notre raconteur, rieur et bon vivant, me partageait sa grande nostalgie de la société des années 1960 et 1970, et sa liberté... d'entreprendre. Il faut dire qu'ayant atteint l'âge de la retraite, monsieur gère encore une activité professionnelle avec panache, mais aussi une certaine amertume envers l'administration. Un regard rêveur, un sourire aux lèvres, il évoquait la paperasse bien moins pesante, les contraintes législatives moins lourdes ou les charges plus succinctes. Tout cela laissait une jolie place à la « créativité commerciale ». L'homme, à l'aube de sa carrière professionnel, ne manquait pas d'idées pour faire fructifier son affaire, énergie et débrouillardise étaient ses maîtres mots. Porté par son ambition de réussite, il ne mit pas autant d'enthousiasme à répondre aux obligations minimales attendues par l'administration. Mais, tous les "arrangements" de longues durées finissent un jour ou l'autre par atteindre leurs limites. En effet, le jour où il reçut un courrier des services fiscaux, sa tranquillité d'esprit prit le large... Il était convoqué et ce genre d'invitation n'augure jamais une réception avec des petits fours et des hôtesses d'accueil souriantes.
Ne pouvant se faire oublier plus longtemps, il n'avait d'autre choix que de prendre son courage à deux mains pour entrer dans le bureau de la sentence. Son dossier inscrit de son nom en grandes lettres attendait que les présentations soient faites pour être ouvert. Une dame âgée, rigide, austère lui adressa un regard sérieux pour lui confirmer son identité. C'était bien lui, nom, prénom, date et lieu de naissance. Après un silence pesant et un regard au-dessus de ses lunettes, elle ajouta une autre question : « Comment se nomment vos parents ? » Une fois leur identité déclinée, l'inspectrice prit le dossier dans ses mains. L'interrogatoire s'annonçait et le palpitant redoubla. La seconde suivante, elle jeta le tas de feuilles dans la poubelle.
L'inquiétude laissa place à l'incompréhension. La fonctionnaire austère se fendit d'un sourire malicieux, se leva et l'embrassa : « Oh que je suis contente de te retrouver cousin, la dernière fois que je t'ai vu, tu n'étais qu'un bébé ! » Stupeur et soulagement lui scièrent les jambes, les yeux rivés sur son dossier plongé dans la panière.
Cette cousine expliqua leurs liens familiaux que notre homme ignorait et ensemble, ils reconstituèrent dans la bonne humeur leur parcours. Le rendez-vous prit fin sur un regard appuyé accompagné de ce conseil : « Va pour cette fois cousin, ton ardoise est effacée, mais gare à tes fesses pour la suite, je ne pourrais plus rien pour toi ! » Voilà comment mon raconteur reprit son affaire avec un sérieux scolaire, enfin, tout du moins, plus attentif à ne plus se faire sermonner !
Je vous parle d'un temps, où l’administration fonctionnait à la machine à écrire et au papier carbone. Les courriers s'égaraient, les dossiers papiers disparaissaient... Les temps ont bien changé, ou peut-être pas tant que ça...
source image: freepick