A l’adolescence, quand arrive la fête des mères, il n’y a pas plus de maîtresse d’école pour aider à préparer une jolie surprise, ni assez d’argent de poche pour offrir un cadeau digne de nos ambitions. Restent la créativité et l’ingéniosité.
À cette occasion, une année, un jeune homme avait fomenté un plan à la James Bond pour être le digne fils de sa maman. Le réveil avait été programmé à une heure très matinale pour se faufiler en toute discrétion hors de la maison et partir en quête de son cadeau. Les vêtements prêts aux pieds du lit lui éviteraient d’ouvrir son placard. Il devait faire preuve de talent pour que son départ passe inaperçu, les murs de la maison ne permettaient pas de garder beaucoup de secrets. Et le sommeil léger de sa mère s’annonçait comme le plus périlleux des obstacles.
Investi dans sa mission, le garçon se réveilla de lui-même et mit son plan à exécution. Avancer à pas de loup, s’habiller sans bruit, ouvrir avec art et délicatesse la fenêtre puis les volets grinçants, la mission fut réalisée avec brio. Une fois sur son vélo, le plus dur était passé, il ne restait plus qu’à rejoindre le lieu prévu pour trouver des fleurs. Un champ de fleurs sauvages ? Un rond-point paysager ? Un pépiniériste ? Et bien non, notre adolescent en mission se rendait au cimetière !
Il n’était pas seul, un ami l’y retrouva. Entre amis, on partage les bons tuyaux !
Les deux jeunes gens n’avaient plus qu’à choisir un bouquet, sans bandeau mortuaire de préférence.
Le quartier dormait encore, rien ne pressait, il fallait faire le bon choix. L’adolescent fut tout de même surpris de croire entendre au loin son prénom. Une fois, possible hallucination. Deux fois, le doute. Trois fois, c’est sûr quelqu’un le cherchait. Et quelle est la voix qu’un enfant reconnaît le mieux ? Celle de sa mère, surtout quand elle hurle dans tout le quartier, à la recherche du fiston disparu. Sans doute était-elle de mauvais poil, comme on peut l’être quand on est surpris par un réveil sonnant à une heure indue, un dimanche matin. Sans doute aussi inquiète de découvrir le lit vide, dans une chambre vide, les volets ouverts.
Comme pour tout agent en mission, l’analyse de la situation fut rapide et la décision brutale : prendre au plus vite un bouquet digne de ce nom et sortir du cimetière. Se faire attraper au tout petit matin entre les rangées de tombes n’arrangerait certainement pas son cas. Les fleurs sous le bras, quelques tours de pédaliers et direction la maison.
Sur le chemin, le garçon s’approcha de sa mère la bouche en cœur cachant sa surprise dans le dos. Il lui tendit le bouquet, accompagné de quelques mots d’excuse d’avoir oublié le réveil, d’avoir eu tant envie de lui ramener son cadeau avant qu’elle n’ouvre les yeux.
Comment en vouloir à un ado qui s’est donné la peine de se lever si tôt (un dimanche, c’est un effort presque inhumain pour un ado, non?) pour faire plaisir à sa mère ? N’est-ce pas touchant et adorable ?
Bien des années plus tard, la maman apprit l'origine de ce bouquet. Une fois la stupéfaction passée, la maman ne lui en n’a pas tenu rigueur. Après tout, c’est l’intention qui compte, non ?
Alors bonne fête à toutes les mamans qui sont prêtes, à toute heure, à courir chercher et trouver leurs enfants, les sermonner, les embrasser et voir ce qu’il y a de beau en eux !
photo issue de freepick