Celui qui aime la liberté /celle qui accepta l’évidence
Même terrasse que la veille, même table d’où j’observe le ballet des robes longues et fleuries, des chapeaux de paille et des chemisettes pastel. Les cigales s’en donnent à cœur joie, et le soleil cogne déjà, même à l’abri des parasols. Au milieu de la foule tranquille passent une reine d’Angleterre habillée de fichus dans son carrosse de bric et de broc, un Africain en costume traditionnel, un type en slip et marcel qui saute à la corde à sauter, un roi et une reine en costume d’époque, une femme en jupe de plastique et filet de pêche sur la tête, une bande de Charlie Chaplin en costume trois pièces et teint blanchi… Tous ces comédiens ont-ils pensé à la chaleur écrasante de la Provence au moment de faire leurs valises ? Le pic de chaleur n’est pas atteint, les canicules de ces dernières années nous épargnent, mais déjà la chaleur pousse les touristes et spectateurs à longer l’ombre des murs, les tracteurs s’allongent un moment sur les bancs installés au pied des arbres.
Celui qui aime la liberté
Alors que je range mon ordinateur pour me rendre à l’émission, un quinquagénaire me présente rapidement les trois pièces de sa compagnie : les portraits de trois femmes scientifiques qui se sont fait voler la récompense de leur recherche par des hommes. Je cherche le nom que l’on donne à cet état de fait, il ne me revient pas. L’effet Mathilda, le voilà ! Nous discutons de son rôle de grand méchant voleur de Nobel.
Vous souvenez-vous du jour où vous avez décidé d’être comédien ?
« Ce n’était pas mon projet de départ. Je voulais faire l’école Louis Lumière pour devenir chef opérateur. Puis, ça ne s’est pas fait, j’ai bifurqué sur une école de théâtre. J’ai toujours su, de toutes les manières, que je travaillerai dans le spectacle, ça ne pouvait pas être autrement ! »
Racontez-moi le jour où vous vous êtes dit : « Ça y est, j’y suis, je suis comédien ! »
« Oh et bien, je dirais simplement, le jour où j’ai reçu mon premier cachet. »
Et tout ça, grâce à qui ?
« Hum, et bien je dirais à moi-même et à ma passion ! Ce métier est un métier passion qui offre peut-être de l’incertitude, mais tellement de liberté ! »
Celle qui accepta l’évidence
Une jeune femme en t-shirt violet s’approche avec un tract et un sourire. Le héros de sa pièce réalise son rêve professionnel quand il redécouvre une boîte remplie de ses souvenirs d’enfance et tout son avenir s’en trouve remis en question. Depuis deux jours, les comédiens semblent moins loquaces, plus pressés, toujours l’œil aux aguets des festivaliers à aborder. Celle-ci semble sincèrement présente, paisible, disposée à la rencontre.
Vous souvenez-vous du jour où vous avez décidé d’être comédienne ?
« J’ai toujours joué dans ma chambre, puis dans des ateliers. Mes parents m’ont toujours encouragée, leurs retours étaient toujours bons. J’ai quand même suivi des études de juriste tout en jouant les week-ends, je ne m’autorisais pas à me rêver comédienne. Mais un jour, j’ai dû faire un choix entre les deux et j’ai enfin accepté que ce pouvait devenir concret. Mes parents n’étaient même pas étonnés, ils ont toujours su, je crois, que je finirais par y venir. »
Racontez-moi le jour où vous vous êtes dit : « Ça y est, j’y suis, je suis comédienne ! »
« Je crois que c’était lors de notre tournée, quand j’ai réalisé que des inconnus réservaient leur place pour venir nous voir sur scène. »
Et tout ça, grâce à qui ?
« À mes profs de théâtre bien évidemment, mais aussi à mes parents qui m’ont toujours offert un espace de jeu et de création à la maison ! »
Les comédiens seraient-ils des adultes qui auraient travaillé leur âme d’enfant ?