Journal d'une expérience inattendue - Procès 4: procès meurtre sur dépositaire de l'autorité publique, jour 5
En fin de compte, un jour ne ressemble pas à l'autre dans ce procès. Ce matin, le parking est relativement vide, le parvis aussi. On y retrouve les mêmes fidèles des premiers jours. On dirait un vrai vendredi de la vie normale, ce jour où l'on poursuit son quotidien avec la détente permise par la perspective du week-end.
Nous finissons la semaine en écoutant des experts scientifiques, légistes et balisticiens. Les apports de ces nouvelles dépositions n'auront pas de portée émotionnelle, à priori. Visiblement, ni la foule de lambdas et ni les journalistes n'ont soif de ce genre d'interventions.
Quand le président a établi le plan d'audience, l'ordre les intervenants, j'imagine qu'il lui a semblé plus raisonnable d'alterner des journées de tensions comme celle d'hier et des journées « techniques » comme aujourd'hui, préservant ainsi tout le monde d'une fatigue nerveuse certaine.
Je ne dirais pas que le hall est vide. Il y a quand même un petit monde de policiers, familles et public qui papotent calmement. Au diapason de cette sage assemblée, les gardiens du portique et de la salle d'audience ont retrouvé leur sourire. La tempête est passée...
La moitié droite de la salle est toujours occupée par les policiers, l'avant gauche est toujours réservée aux journalistes, qu'ils soient présents ou pas. Pour le public, il reste deux ou trois rangées à l'entrée à gauche. Ce matin, la réduction significative du groupe de soutien des forces de l'ordre offre au public quelques sièges de la zone « police ». C'est presque devenu intimidant de s'y asseoir.
Les trois prévenus semblent avoir traversé la semaine sans trop d'évolution. Mêmes places, même effacement pour Mr A., même tension pour MR Ab., même inquiétude pour Mr B. Les avocats des co-accusés semblent tenir bon, contrairement aux avocats du principal accusé Mr A. Les poches sous les yeux de Me B. trahissent significativement son manque de sommeil. Plongé dans ses dossiers, il attend sa consœur. À part cette absente, tout le monde semble prêt. Il ne reste que quelques petites minutes avant l'ouverture de séance. Assise au dernier rang, près de la porte, j'entraperçois une silhouette arriver à vive allure dans le couloir du portique. J'entends une voix, « Allez les filles... », sans comprendre vraiment à qui elle s'adresse. Dans le doute, je me retourne complètement pour vérifier. Elle est là, Me A., avançant d'un pas décidé, et tenant son portable à la main alors qu'elle parle dans le vide grâce à ses oreillettes Bluetooth. « … Je vous raconterais ce soir. Non... Ici, c'est l'enfer !... Allez les filles, à ce soir ! » Elle enlève ses oreillettes, attache ses cheveux, salue son confrère et s'installe précipitamment. La semaine a été compliquée, ça se lit sur son visage passé de la concentration intense à la contrariété, exténué. Il faut avouer que ces deux-là n'ont pas lâcher les gants. En face, la procureure est comme les prévenus, telle qu'au premier jour. Elle traverse cette semaine avec la même énergie, le même sourire, le même brushing impeccable. Cette affaire ne semble pas lui couper le sommeil.
La sonnerie annonce l'entrée de la cour. Les visages éreintés des jurés me font peine. Le président ne semble guère plus en forme à côté de ses assesseurs qui ont l'air de tenir le coup.
Le public est averti, ce matin nous écouterons les experts légistes et balistiques. Voilà l'occasion de me faire un peu de culture scientifique.
L'huissier ouvre la porte à un grand monsieur avançant péniblement. Il s'agit du légiste qui a réalisé « la levée de corps », c'est à dire la constatation de la mort, les premiers relevés d'indices et le transport à la morgue. Il faut beaucoup se concentrer pour comprendre son articulation, mais on retient sa description précise de la scène et du corps. Ses premières conclusions sur place font état de trois tirs venus de face, d'un axe en hauteur, légèrement orientés depuis la droite. Il est conscis et ne peut apporter guère plus d'éléments. L'heure de la mort n'est pas un mystère, la cause de la mort non plus : un tir au thorax laisse peu de place au doute. Mais cela, c'est son confrère du laboratoire qui devra le confirmer.
Un homme pas bien grand, dont la silhouette trahit un certain appétit de la vie, tout comme sa bonhommie faciale, vient prendre place. L'homme est à l'aise, il est clair dans son débit, son articulation et le déroulé de son exposé à propos des quatre plaies.
La plus grave se situe au poumon gauche, là où la balle est entrée puis a traversé l'aorte et ensuite la veine cave avant de ressortir par le poumon droit, où se situe la seconde plaie. Une autre, au niveau du bassin, a révélé un passage de la balle se longeant dans la fosse iliaque. La quatrième plaie se situe au niveau du poignet.
À la question de la cause précise de la mort, le médecin est catégorique : la balle dans le thorax a provoqué une hémorragie du péricarde qui ne lui laissait aucune chance. « Vous auriez pu amener un bloc opératoire par magie sur place dans le quart d'heure, ça n'aurait servi à rien. L'aorte et la veine cave se sont vidées de plusieurs litres de sang en quelques minutes. »
Le médecin essaie de contextualiser l'ordre et les trajectoires des tirs en fonction des différents témoignages qui ne concordent pas. Aucun scénario ne convient vraiment en totalité.
Le seul qui ait vu la scène, qui sache ces réponses là, c'est le meurtrier. Mais officiellement, il n'est pas dans la salle.
Le président questionne beaucoup les hypothèses des positions de la victime au moment des tirs. Elle mesurait un mètre quatre-vingt, comment le tir pouvait venir du dessus ? Y a t-il eu un mouvement de torsion de la victime entre les tirs ? Et cette balle dans la main qui ne correspond pas aux deux autres trajectoires plus proches ? Où pouvait-elle être cette main ? Le médecin ne peut pas répondre à tout, il peut juste affirmer l'axe des tirs. Mais une chose est sûre, le tir dans la main ne peut pas être aligné à un des deux autres, à moins de tordre le bras de la victime. Pour le reste, il ajoute juste que le tir a été violent, les cicatrices sur le visage témoignent d'une chute particulièrement brutale. L'homme a fait son travail, explorant toutes les possibilités, le moindre indice disponible et repart aussi jovial qu'il est arrivé.
Durant la pause, je m'autorise à quitter mon siège, il n'y a pas foule et le gardien veille à ne pas remettre les places en jeu. Ça, je m'en suis bien rendue-compte. Devant la machine à café, vient s'installer à mes côtés Me A. Ses cheveux longs sont moins bien arrangés dans sa queue de cheval, elle a la mine défaite d'une sortie de ring. Défaite, avec une pointe de contrariété et de ras-le-bol. Son confrère, lui a l'air juste fatigué. J'en viens à supposer que sans doute son âge plus avancé, son expérience plus grande, lui ont-ils appris à gérer la tension de ce genre de procès. Ou ce n'est peut-être qu'une question de personnalité ?
Chacun est revenu tranquillement à sa place. Un quinquagénaire, grand et athlétique, coupe de cheveux soignée, chaussures en cuir cirées, costume et chemise blanche, avance à la barre. Confiant, il a l'air d'être aguerri à l'exercice pour montrer si peu de stress. Expert en balistique depuis de nombreuses années effectivement, une cour d'assise ne doit plus vraiment l'impressionner. Cette barre de déposition doit être un second bureau pour lui et son ami légiste avec qui il a covoituré.
L'homme sûr de lui explique son travail d'analyse des plaies, des balles retrouvées dans le corps, sur la place et dans la voiture, et son examen des résidus sur la matraque. Il peut affirmer que les tirs se sont faits à grande proximité sans pouvoir estimer de distance puisqu'il n'a pas eu accès au t-shirt dont les trous auraient parlé. Pour lui, il s'agit de façon certaine d'une arme du genre « 380 auto » dont le canon a été bricolé. Les stries sur les projectiles blindés de neuf millimètres en sont la preuve. Par contre, la boursouflure à la base de la balle trouvée dans l'abdomen reste sans explication. Un obstacle a contrarié son trajet, peut-être. Le président ouvre l'interrogatoire sur la cause de cette déformation. L'expert souligne encore une fois que n'ayant pas eu accès au t-shirt et à la sacoche, il lui manque des éléments environnants décisifs pour répondre. Ce dont il est certain, c'est que ce genre d'association, arme modifiée et balle non dédiée, produit un tir peu efficace en terme d'intensité. Le tir ne peut pas traverser deux objets sur son trajet, comme on aurait pu imaginer la main puis l'abdomen, ou encore un objet puis l'abdomen. Les dépôts de poudre sur la main de la victime, les seuls parlants puisque la peau a « essuyé le tir », révèlent que l'arme était à moins de cinq centimètres. Il y a donc eu un quasi corps à corps.
Me G., pour la partie civile, le questionne quant à son expérience de relevé d'indices sur les scènes de crime. Le quinquagénaire confirme qu'il est vraiment exceptionnel de ramasser toutes les douilles et ogives dans une enquête, surtout quand il s'agit d'un extérieur, d'autant plus un lieu public. Même en étant le plus précautionneux possible.
À l'avocate générale, l'expert explique que les projectiles de l'arme en question sont plus courts et légers que ceux des policiers, mais mortels sans problème. Devant les photos qu'elle demande à visionner, l'homme reconnaît rapidement les deux types de douilles retrouvées sur place : une de la police, qu'il nomme sans hésitation « neuf millimètres parabellum », et l'autre « type 380 auto, gonflée par un canon inadapté ». Parabellum, quel joli nom... Mes restes de latin résonnent, « contre - guerre », pour un objet mortel, quelle poésie ! La magistrate voulant plus de détails sur cette arme modifiée apprend qu'il s'agit d'« une arme à blanc, en vente libre ». Du chinois pour moi. Quelques échanges me permettent de penser qu'il évoque un pistolet de secours qui font du bruit sans projeter de balle. Il ajoute que, par contre, le type de balle retrouvé est soumis à autorisation préfectorale, donc possiblement issu d'un trafic illicite. La balle de type « parabellum » provient quant à elle des « munitions des forces publiques » policières. À quoi le sait-il ? Au poinçon visible à l'arrière. De un à quatre poinçons marquent les munitions des corps de métier : police nationale, gendarmerie, CRS et pénitentiaire. Il explique encore que ces munitions policières sont programmées pour traverser avec force un corps sans risquer d'en toucher un autre après, évitant ainsi les accidents de balles perdues. On en apprend des choses...
Quand l'avocate générale évoque la compatibilité de certains éléments de l'enquête avec les armes citées, l'expert fait rapidement des calculs de tête à haute voix : millimétrage, poids, vitesse... Il connaît un catalogue d'armes et de munitions sur le bout des doigts. Face à d'autres questions de précision, le balisticien s'agace et répète: dans la mesure où on ne lui a pas donné le t-shirt et la pochette qu'il avait demandés, qu'il n'a pas eu accès aux armes ni à la voiture impactée, il ne peut pas être affirmatif pour certains aspects de l'enquête. Voilà pour l'exploration des indices et du corps de la victime.
Sa seconde analyse est intervenue le jour de la reconstitution des faits. Les reconstitutions, on en voit parfois dans les films policiers, ici, on en découvre la réalité (en condensé).
Pour commencer, l'expert raconte cette matinée qui commença avec difficulté devant le refus de Mr A. de sortir du véhicule pénitentiaire. Puis l'expert nous démontre les impossibilités et les hypothèses valables pour chacune des versions racontées par les témoins des faits. Les détails tiennent à peu de choses : la place exacte de chacun, les déplacements, l'ordre des gestes. Le balisticien expose ses conclusions à coup de « Mr A. a pu.... », « Mr A. ne pouvait pas... ». Me B. et Me A., ses avocats, ondulent leurs sourcils. Le président interrompt sans attendre cet exposé pour rappeler à l'expert, aux jurés et à l'assistance que Mr A. est présumé innocent jusqu'à preuve de sa culpabilité. On ne peut donc pas le citer comme étant le tireur, sans quoi on laisserait sous-entendre qu'il est de fait coupable, chose que le procès doit déterminer à la fin de tous les débats. Les avocats acquiescent et remercient le magistrat, pendant que le balisticien se confond en excuse, et reprend l'exposé avec précaution. Aurait-il frisé l'incident ou la faute professionnelle ?
Les écrans s'allument. Le président commente au public le dossier photographique de la reconstitution. Cette compilation présente des vues des lieux sous différents angles et différentes hauteurs, des véhicules stationnés aux mêmes endroits, puis l'identification des « plastrons » (personnes prenant le rôle d'un protagoniste absent) et des protagonistes. Le dossier est ensuite organisé en autant de parties que de versions apportées par chaque protagoniste de la scène. Chacune des étapes de leur récit est photographiée et légendée de sorte que l'on comprend le déroulé grâce à un ersatz de « roman photo ». Je dis « ersatz » parce que les policiers n'ont pas pour priorité ni le cadrage, ni la pose travaillée des sujets, ni la luminosité de leurs prises de vue. Pour eux, seul le récit de la photo compte. Le croisement des témoignages mis en images met en évidence des contradictions ou des concordances sur lesquelles les parties s'appuient.
Pendant que les avocats avancent plusieurs hypothèses tentant de faire concorder le placement des personnes, le nombre de tirs et leur trajectoire, je me mets à penser au rôle important de ce véhicule pris entre deux feux. La forme des impacts et les dégâts occasionnés sur sa carrosserie donnent une idée des trajectoires de tirs échangés. Sans elle, la scène serait vraiment très floue. Je pense au propriétaire de cette voiture récente et coûteuse qui, se garant le matin, n'imaginait certainement pas la retrouver ainsi trouée, pare-brise en miettes. La personne dépitée a dû se débrouiller soudainement sans elle, la laissant aux enquêteurs pour une fouille méticuleuse. C'est bête, mais j'imagine qu'on y pense tous : qu'en est-il des assurances et combien de temps lui a été-t-elle confisquée ? Ce genre de divagation prouve combien la tension émotionnelle ce matin est plutôt inexistante.
La propension de Me B. à harceler l'expert de questions très précises sur la position, le déplacement et les gestes du tireur me surprend encore. Que peu devrait lui importer, puisque son client n'était même pas sur les lieux ce soir-là, selon ses dires ? Cet avocat y met une énergie considérable qui laisse bien imaginer qu'il pose des jalons stratégiques pour la suite.
Sur le nombre de tirs, l'expert est formel : on ne peut pas se fier aux souvenirs auditifs, lui-même en a fait l'expérience. La cour hausse les sourcils. Un expert en balistique victime d'un coup de feu ? Avec précaution le président l'invite à s'expliquer sur « cette expérience personnelle », à condition que ce ne soit pas trop éprouvant d'en témoigner. L'homme rit furtivement. « Oh non, rien de traumatisant. Ça aurait pu l'être, mais non. Un jour, je devais analyser le tir d'une arme scellée, une arme de guerre. En laboratoire, on tire toujours avec des balles spéciales. Ce jour-là, je n'en avais pas assez prévues pour remplir l'arme, je me suis penché pour en prendre d'autres dans une boîte un peu plus loin. En ramenant mon bras, sans m'en rendre compte, j'ai accroché le fil de la scellée qui a accroché la gachette de l'arme. Un ou plusieurs tirs sont partis. Je n'en sais rien. J'ai un trou noir, pas de son, pas d'image. C'est quand j'ai vu le plâtre du plafond tombé en miettes que j'ai compris ce qui s'était passé. Je n'étais pas menacé, ni stressé et pourtant, je ne me souviens de rien de ces secondes-là. » Tout le monde sourit dans la salle. Un expert en balistique n'est pas à l'abri d'une maladresse... Le président sourit en le remerciant de sa déposition.
Un nouvel expert se présente à nous, en jean, baskets et polo. Silhouette d'ancien rugbyman ou de videur de boîte, il est expert en résidus de tir. C'est idiot, mais à le croiser dans la rue, on ne s'en douterait pas une seconde. Les préjugés ont la vie dure, à quoi devrait ressembler un expert si spécialisé ? Une spécialisation si précise qu'il commence par nous enseigner le B-A BA pour que nous puissions le comprendre. J'avoue que même cette partie-là, pourtant didactique, ne m'est pas totalement accessible. J'imagine bien que sa connaissance scientifique acquise après des années d'études n'est pas transmissible en dix minutes. Il vulgarise au mieux, mais certaines notions sont juste effleurées. Les acquiescements des magistrats et des avocats dénotent d'une certaine familiarité avec le sujet. Les regards concentrés des jurés dénotent un effort d'assimilation bien normal pour le commun des mortels.
Un tir, c'est la projection d'une ogive, au moment où la douille chargée de poudre explosive est percutée par ….. (promis, j'ai tenté de tout suivre). Bref, l'explosion fait un nuage de fumée qui fait avancer l'ogive rapidement, la dissociant de sa douille. Une partie de la poudre diffusée reste sur l'arme, les mains, les vêtements, la douille tombée par le côté de l'arme et sur la première surface que le projectile va rencontrer, ou dit-il : « va essuyer ». Dans ces résidus analysés en laboratoire, on retrouve systématiquement la même base réalisée à partir de composés classiques. Ce qui est plus intéressant, ce sont les « co-éléments » ajoutés pour optimiser la performance. Ces éléments divers et en quantités variables forment des compositions atypiques qui définissent l'identité d'un lot de balles. Ainsi, retrouvés de manière identique sur une surface, une douille, une arme, ils révèlent un lien certain entre ces trois indices. Voilà qui serait simple s'il n'y avait de facteurs d'altération comme le temps de persistance (six heures sur les mains, indéfiniment sur du linge non lavé), de pollution (transfert sur d'autres surfaces mises en contact après les faits) et l'effet de la « mémoire de l'arme » (dépôts de résidus lors des tirs suivants sur les balles d'un nouveau lot). En tous cas, dans notre affaire, les résidus prélevés sur la victime, la scène et les vêtements retrouvés chez l'accusé sont les mêmes, il y a donc un lien effectif entre les trois. Pour écarter tout malentendu, le président soulève le moindre doute. Ici, il demande au spécialiste si ces résidus identifiés comme identiques sur ces trois supports peuvent ne pas provenir d'une seule et même balle. La poudre retrouvée sur la victime pourrait venir d'une autre balle de ce lot, tirée par une arme différente, de même que la poudre trouvée sur l'accusé pourrait venir d'un autre tir réalisé avec une autre balle de ce lot, à un autre moment. À ce stade, tout ce que l'on peut dire finalement, c'est que des trois accusés, Mr A. reste le seul à avoir porté des résidus de poudre identiques à ceux trouvés sur la victime ainsi que sur les indices sous scellée. Les notions sont fines, n'est-ce pas ? Il faut un faisceau étoffé de preuves pour établir la culpabilité de cet accusé qui nie tout.
L'heure du repas est entamée, le président remercie ce dernier expert avant de faire un bilan : la semaine a été plus que chargée, en conséquent, il n'avait rien prévu pour cet après-midi, se laissant une marge de débordement. Toutefois, le programme ayant été respecté, cette marge d'adaptation n'est pas utile. Il ajoute que la semaine prochaine, le plan d'audience ne sera pas plus léger et que l'on peut profiter de cette demie-journée libre pour avancer sur des lectures de pièces par exemple... On ne peut pas dire que l'enthousiasme règne, ni chez les avocats, ni à la tribune de la cour. Les avocats de la partie civile et la procureure vivent par ici, et semblent les plus « frais » et disposés. Mais en face, Me B. et Me A. viennent de loin et leur visage affichent une franche fatigue. Si Me B. hausse les épaules pour toute réponse à la proposition, Me A. prend le micro dans un dernier geste d'énergie : « Moi, en tous cas, j'ai mon TGV à seize heures et je n'y renoncerai pas. » Elle semble au bout de sa vie, elle semble avoir besoin de reprendre pied, chez elle. Personne ne rétorque, le président n'insiste pas non plus. Il invite donc tout le monde à se reposer et nous donne rendez-vous lundi.
Cette matinée s'est révélée être la plus technique et didactique de la semaine, ne laissant guère d'occasions aux vagues émotionnelles, et permettant de terminer la semaine avec une certaine sérénité. Chacun retourne à son quotidien le temps d'un week-end anticipé. Je pense à mes co-jurés qui doivent accueillir cet après-midi de liberté comme une bénédiction. J'espère que deux jours leur suffiront pour retrouver l'énergie nécessaire pour affronter la suite...
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