Une amie m'avait parlé de sa voisine, ancienne résistante. Un sacré bout de femme au caractère trempé qui, pendant la guerre, allait voir son fiancé à Marseille, chaque week-end, en vélo ! J'avais été épatée : Valréas-Marseille, à vélo, à la tombée de la nuit.
Quelle héroïne !
Puis j'ai rencontré une de mes voisines, de la même génération. Elle, elle s'était rendue, seule à dix-sept ans, à Lourdes, à bicyclette. Ce pèlerinage cycliste avait pour but de donner toutes ses chances à sa sœur malade du coeur qui devait bénéficier d'une chirurgie cardiaque, technique toute récente alors, encore incertaine. Folle d'inquiétude, elle avait pris son vélo et avait quitté son Doubs natal pour rejoindre Lourdes ! A dix-sept ans ! Seule! Sans téléphone portable ! J'en étais béa d'admiration et elle, elle était étonnée de me voir sidérée !
Encore une héroïne !
Vendredi dernier, un de mes raconteurs me parla de sa tentative d'embauche sur la côte basque, à la sortie de sa formation. L'aventure s'était révélée infructueuse puisqu'il n'était ni Corse, ni Marseillais, ni Basque ! Il dut se résoudre à rentrer à Paris et prit la route avec un ami... à vélo ! Une petite semaine de pédalage avec bivouac en bord de route et le revoilà à la capitale ! Une fois de plus, mes yeux de merlan frit ont inspiré la surprise chez ce nonagénaire...
Visiblement les héros du pédalier étaient plus nombreux que je ne l'imaginais !
Aujourd'hui, les rares amis qui feraient dix kilomètres à vélo pour aller au travail gagneraient le respect de leurs collègues ! Alors traverser la France !!! Je suis quasiment née avec le TGV, on prend l'avion comme on prend un bus, et chaque famille a deux voitures... On traverse la France en quelques heures de train, là où de jeunes gens le faisaient en quelques jours. La normalité a changé de mesures. De « moins pratique » à « impensable », l'idée de prendre le vélo plus de trente minutes est devenue « infaisable ». Sauf à aimer le faire le dimanche ou en vacances...
Loin de moi, l'idée de penser que c'était mieux avant ! C'était autrement. Mais je commence à me demander si le secret de ces nonagénaires vaillants ne réside pas là : le mouvement endurant.
Alors, le printemps est là, dépoussiérons les vélos et prenons la route !!! Et puis ça nous fera éliminer les chocolats de Pâques !!
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